Nucléaire ou effet de serre. Ni l’un, ni l’autre mon général !

2012/03/09
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FABRICE FLIPO. Philosophe. Alda! 8 mars. Dans le dernier numéro de l'hebdomadaire Alda, -qui est publiée avec Enbata- Fabrice Flipo écrit sur le nucléaire. Du coup, entre irradiés ou surchauffés, on nous somme de choisir. Un tel choix est absolument dénué de fondement. Croire en le nucléaire ne nous assure rien, en termes de crise énergétique, puisque ce sont les renouvelables et la sobriété qui feront la différence

Philosophe, a ecrit dans AldaLe nucléaire a, dans notre pays, un effet de sidération extraordinaire. Nombre de nos concitoyens estiment en effet que sans nucléaire, on risque de revenir à la bougie. Discutez avec un passant : très vite, il vous demandera comment on continuera de soigner le cancer, sans le nucléaire. Et pourtant il existe des pays où l'on dispose de toutes les commodités modernes, sans nucléaire ! Citons l'Autriche, par exemple. Tout se passe comme si, en France, on oubliait systématiquement 80% du problème ! Du coup, entre irradiés ou surchauffés, on nous somme de choisir. Un tel choix est absolument dénué de fondement, il faut le dire et le répéter.

Energie finale consommée : à voir dans son ensemble !

Le nucléaire c'est moins de 20% de l'énergie consommée en France, 6% dans le monde. Ses inconvénients sont connus : prix qui ne cesse de grimper, impasses, risque majeur, dangerosité des matières transportées, impliquant une gestion militaire, passage possible du civil au militaire, etc. Un développement massif de cette source atteindrait au mieux 3 fois la capacité mondiale actuellement installée, d'après le scénario Sunburn. Le nucléaire fournirait donc 10 à 15% de la consommation finale, au grand maximum. On aurait donc encore une fois oublié 85 à 90% du problème.

Renouvelables : variables déterminantes

Ces 85% seront forcément faits par les renouvelables, à terme, puisqu'aucune autre solution n'existe. Donc si les renouvelables ne peuvent pas remplacer les fossiles, pour diverses raisons, notamment le fait qu'elles entrent en concurrence avec des usages vitaux du sol, alors cela signifie que nous devrons consommer moins d'énergie, tout simplement. Auquel cas en effet il faudra en effet réduire le niveau de vie des plus riches. Et si les renouvelables ne marchent pas du tout, il faudra en effet revenir à la bougie. Bref ce sont bien les renouvelables qui sont la variable déterminante, pas le nucléaire.

Depuis un an, le Japon a montré la voie en matière de sobriété

Les pronucléaires qui doutent que les renouvelables puissent un jour remplacer les fossiles pensent donc au fond qu'on va revenir à la bougie. Auquel cas le nucléaire n'y changera rien, bien au contraire on imagine la difficulté de gérer ces installations dans des sociétés qui vont se simplifier et utiliser de plus en plus de «low tech». Si on pense que revenir à la bougie est évitable, c'est par les renouvelables que ça passe. C'est donc là qu'il faut investir, et arrêter de faire du catastrophisme en parlant de retour à la bougie. Le Japon a montré la voie, en matière de sobriété. Pour sortir malgré lui du nucléaire du jour au lendemain, ou presque, les mesures mises en place n'ont aucunement le caractère d'une violation des droits de l'Homme : des pulls à la maison, moins de publicité etc.

Croire dans la sobriété et les renouvelables

Le philosophe Pascal avait justifié le bien-fondé de la croyance en Dieu par l'argument suivant : en croyant, je gagne tout (je peux espérer de gagner le Paradis), sans rien perdre (Dieu ne me demande pas d'adhérer à l'Eglise), tandis qu'en ne croyant pas, je ne gagne rien, et je perds tout (le Paradis devient inaccessible). Le nucléaire une sorte de pari de Pascal inversé. Croire en lui ne nous assure rien, en termes de crise énergétique, puisque ce sont les renouvelables et la sobriété qui feront la différence. Par contre cela nous garantit d'avoir tous les maux du nucléaire, et nous prive de ressources financières nécessaires pour d'autres usages. Croire dans la sobriété et les renouvelables, à l'inverse, nous permet d'espérer dans une solution à la crise énergétique. Si l'objectif est de vivre mieux, alors le nucléaire ne nous sert plus à rien.